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Aussi ironique que cela puisse paraître, malgré mes nombreuses maladies, mon surnom, dans le métier, c’est Doc.
Doc Karoo.
Je suis un rouage modeste mais assez opérationnel de l’industrie du cinéma. Je reprends des scénarios écrits par d’autres. Je réécris. Je coupe et je polis. Je coupe ce qui est en trop. Je polis ce qui reste. Je suis un écrivaillon doté d’une plume qui a fini par être considéré comme un talent. Les gens qui vivent à Los Angeles et qui font un boulot similaire au mien, on les appelle les « nègres d’Hollywood ». L’expression « nègre de New York », mystérieusement, n’existe pas. À New York, le nègre, on l’appelle doc.
Je n’ai jamais rien écrit moi-même. Il y a très, très longtemps, j’ai essayé, mais j’ai abandonné après plusieurs tentatives. Je ne suis peut-être qu’un écrivaillon, mais je sais ce qu’est le talent, et j’ai compris assez vite que je n’en avais pas. Ce ne fut pas une prise de consceicen dévastratrice. Plutôt quelque chose de l’ordre d’une confirmation de ce que je soupçonnais depuis le début. J’avais un doctorat en littérature comparée, on pouvait bien m’appeler Doc, mais je ne voulais pas enseigner. Grâce à quelques contacts, je me suis glissé sans douleur dans ce qui était ma véritable vocation qui est de réécrire des scénarios essentiellement écrits par des hommes et des femmes qui n’ont pas davantage de talent que moi.
De temps en temps, très rarement bien sûr, on me donne à retravailler un script qui n’a aucun besoin d’être retravaillé. Qui est très bien comme il est. Qui n’attend plus qu’à devenir un film. Mais les huiles du studio, ou bien les producteurs, ou les stars, ou les metteurs en scène, ont une autre idée sur la question. Je me trouve alors face à un dilemme moral. Si je suis capable de me retrouver face à un dilemme moral, c’est parce que j’ai en moi cette petite voix nommée l’homme moral, et l’homme moral qui est en moi veut se battre pour ce qui est juste. Il veut défendre ce script qui n’a aucunement besoin d’être retravaillé, ou, du moins, il veut refuser d’être personnellement impliqué de quelque façon que ce soit dans son éviscération.
Mais il ne fait ni l’un ni l’autre.
Steve Tesich, Karoo
traduction Anne Wicke,
Monsieur Toussaint Louverture, 2012
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"Moi-même je n’ai pas de vie à côté du film, je suis un homme mort sans Sleuth." (Cliquer ici pour la lire la suite...)
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